Les aspects problématiques de ce 4e FSE d’Athènes ont été abondamment mis en avant par la presse (du moins celle qui en a parlé, le boycott ayant souvent été choisi par les médias hostiles) : moindre participation (en fait, il y a eu plus de monde qu’à Londres !), répétition des débats, retrait de maintes forces syndicales ou associatives, absence de perspectives d’action et incapacité du FSE à fédérer une riposte européenne aux ataques néo-libérales. L’ignorance qui règne autour des lieu et date du 5e FSE n’a fait que renforcer le trouble.
Une analyse plus en profondeur permet de nuancer (pour le moins !) ce portrait par trop négatif. La moindre participation a seulement été celle des militants d’Europe occidentale, effet mécanique de l’éloignement d’Athènes. Ce sont ces militants qui jusque là avaient formé le gros des troupes. La solution choisie par Denis, militant de SUD-Etudiant venu en vélo depuis Angers, ne pouvait être celle de tout le monde ! En revanche, la localisation du FSE à Athènes a permis une forte participation des Grecs et des Turcs, même si l’on peut regretter que cela n’ait pas suffi à faire venir davantage les autres peuples des Balkans. De surcroît, les réseaux constitués lors des précédents FSE se sont renforcés. Ainsi en est-il du réseau Education, qui s’est élargi à des syndicats enseignants grecs, turcs, d’Europe de l’Est et de Russie. Face aux attaques néo-libérales communes que subissent les populations d’Europe, des initiatives communes de résistance ont été programmées. Petit à petit, l’alterEurope se construit et le sentiment de répétition qu’ont pu susciter certains séminaires n’en a que plus souligné la nécessité de passer à l’action.
Ce n’est donc pas par hasard que l’exemple français de la lutte unitaire contre le CPE a été au centre de nombreux débats (même si cela pouvait à la longue agacer par le chauvinisme qui s’exprimait parfois au travers de cette référence, et même si cela taisait implicitement que la victoire remportée était loin d’être complète) : c’est tous ensemble, tous en Europe, que l’on peut gagner contre le néo-libéralisme.
Les débats sur l’Europe ont également été nombreux, auxquels ont participé associatifs, syndicalistes et politiques, à l’image de ce qui s’était passé en France lors de la campagne pour le non au TCE. Toutefois, la présence parfois trop importante de représentants français à la tribune a nui à l’internationalisation du débat. La question cruciale des frontières de la gauche anticapitaliste à rassembler fut trop vue à travers le seul prisme hexagonal. La question du processus constituant à revendiquer pour l’Union et surtout de son rythme a également divisé (la prise de conscience étant très variable selon les pays). Le Forum social d’Athènes n’aura donc pas de ce point de vue, permis de beaucoup avancer. Toutefois, beaucoup de propositions ont été recensées pour construire une autre Europe. Un projet de “Charte des principes communs pour une autre Europe” a circulé. Le sentiment que la remise en cause de tous les traités existants était nécessaire a sans aucun doute progressé.
Du point de vue organisationnel, tout n’était certes pas parfait. Les traducteurs furent soumis à de dures conditions de travail et le système de transmission par modulation de fréquence eut des failles qui retardèrent le début de beaucoup de de débats. De plus, trop de personnes étaient invitées à la tribune et trop peu de temps était laissé à la salle pour s’exprimer. Mais les efforts des organisateurs grecs ont globalement été récompensés. La qualité de la plupart des très nombreux débats organisés chaque jour pendant trois plages horaires de 3h a fait le reste !
Le FSE d’Athènes n’a donc en rien été le “FSE de trop”. Plus probablement, il aura été un FSE de transition. Après la mise en place (avec panache) du FSE à Florence, après l’approfondissement de Paris et les contradictions de Londres, gageons qu’il annonce un mouvement altereuropéen plus structuré et désormais tourné vers l’action à l’échelle européenne.
Un dernier mot sur la manifestation du samedi, contre la guerre et pour un autre monde. Elle a rassemblé entre 15 000 organisateurs (selon la police) et 80 000 (selon les organisateurs). Ce fut une très belle manifestation, avec une très forte présence de la gauche grecque (hors PASOK bien entendu !) et aussi turque. Il y avait un cortège de la 4e Internationale. Parmi les organisations françaises, les cortèges de la FSU et de Solidaires étaient de loin les plus conséquents. Il a toutefois fallu subir tout au long du parcours des gaz lacrymogènes particulièrement irritants, abondamment dispersés dans l’atmosphère par la police grecque à l’occasion d’affrontements sporadiques avec quelques groupes autonomes en marge de la manifestation...