Mastérisation bidon
C’est d’abord la prétendue “mastérisation” de la formation des enseignants qui ne peut être digérée. Jusqu’à présent, les concours de recrutement des enseignants (1er et 2nd degrés) se déroulaient dans l’année suivant la licence. Une année de fonctionnaire stagiaire suivait au cours de laquelle une formation professionnelle était dispensée en IUFM. C’est donc à bac+5, au niveau master, que les enseignants commençaient leur carrière. Reconnaitre ces cinq années de formation par un diplôme universitaire est légitime. Mais reculer d’un an le concours, supprimer l’année de stage, remplacer cette année de salaire et de cotisations par de misérables bourses, évacuer la formation professionnelle... non ! Derrière cette réforme se profilent la fin des concours, le recrutement de contractuels par les chefs d’établissement, en lieu et place de fonctionnaires... Sommées de rendre au ministère des projets de master dans un délai record et sans aucun cadrage national, les universitaires ont commencé par demander un moratoire. Puis, dans des établissements toujours plus nombreux (comme à Nantes), ils ont décidé de ne pas renvoyer ces projets.
Casse du statut national
Le second plat empoisonné est la remise en cause du statut des enseignants-chercheurs. Au nom de la “modulation des services” inscrite dans la LRU, les présidents d’universités pourraient varier les services d’enseignement de ces personnels jusqu’à les doubler. Soumission aux “objectifs de l’institution” et clientélisme seraient au rendez-vous. Ce serait la fin de l’indépendance des enseignants-chercheurs jusque là garantie par la constitution et donc d’une recherche (encore) libre. Ce serait surtout un moyen économique de réguler les pénuries d’enseignants en taillant dans la recherche, au moment où Sarkozy annonce le démantèlement du CNRS ! La quasi-totalité des enseignants-chercheurs et de leurs instances représentatives rejette ce projet (c’est ainsi que le CA de l’Université d’Angers a voté contre à la quasi-unanimité le 29 janvier). C’est aujourd’hui l’élément moteur de la mobilisation de ces personnels, alors que la “mastérisation” suscite celle des étudiants.
Mobilisation nationale... et angevine
La LRU était censée ramener tous les problèmes à un niveau local. Sa mise en place est susceptible de réaliser ce qui ne s’était jamais réalisé, sinon peut-être en 1968 : l’unité dans la lutte des enseignants et des étudiants au niveau national. Dès le 26 janvier, le SNESup-FSU appelait à la grève. La coordination réunie dans l’amphi Richelieu de la Sorbonne ce lundi 2 février a renouvelé son appel de la semaine dernière. A Angers, après une grève administrative (rétention de notes) votée en AG le 20 janvier, qui a permis de faire parler du mouvement dans la presse, une nouvelle AG des enseignants réunie le 2 février a voté la grève totale jusqu’à l’AG suivante, fixée au mercredi 4 à 11h. Parallèlement, les étudiants de la fac de Lettres sont entrés en mouvement, après deux AG massives de 700 personnes, principalement motivées par la réforme de la “mastérisation”. Une AG des étudiants de Lettres et de sciences est également programmée mercredi midi, au SUAPS. Une AG est même prévue en fac de droit jeudi ! Une manifestation est d’ores et déjà appelée ce même jeudi dans l’après-midi dans le cadre d’une journée nationale d’action.
Passer à la vitesse supérieure !
La ministre Pécresse tente en vain d’expliquer aux enseignants-chercheurs qu’ils ne savent pas lire et n’ont rien compris à ses projets. Elle se répand sur les radios et télés pour vanter une augmentation des ressources budgétaires alors que tout le monde constate le contraire sur le terrain. Mais les enseignants-chercheurs résistent à ses tentatives misérables de les diviser. Mieux : une jonction avec les étudiants est en train de se construire. Les prochains jours seront décisifs ! Décidément, la LRU ne passe pas... L’université n’est pas une entreprise, l’enseignement et le recherche ne sont pas des marchandises !